1-Charles OZANON

Saint Emiland petit village insignifiant sur la carte de France avait parmi ses habitants entre la fin du 19e et le début du 20e un personnage de renom national puis

mondialement connu pour ses travaux en botanique, herboristerie et dans beaucoup d’autres domaines que peu de personnes se souviennent aujourd’hui.

Pourtant, en à peine 100 ans, plus personne ne se souvient des gens qui nous ont précédé, même parfois des membres de sa propre famille, c’est la raison pour laquelle on construit des monuments consacrés à prolonger la mémoire des gens ou bien à leur dédier une rue, une place ou un boulevard.

J’ai toujours fréquenté à Autun des rues telle que, rue Bernard Renault, rue du Dr Carion, rue Jondeau ou la rue du docteur Gillot, personnages locaux qui ont marqué leur temps dans cette magnifique et deux fois millénaire ville d’Autun dont elle est si liée à notre civilisation.

Je voudrais vous parler de Charles OZANON, citoyen de Saint Emiland et dont il était conseillé municipal avec Albert CLAIR, Joseph GIRARD, Claude VALLOT, Jean Marie LACOUR, Jacques PROST, Jean CREUZEVAULT, Sébastien BONNOT, Jean Baptiste REGNAULT et Bernard Carrelet de Loisy.

Monsieur OZANON a dédié toute sa vie à l’observation, à l’étude  et à la vie des plantes de toutes espèces et dont il a répertorié une énorme quantité au niveau national et exposé au Muséum d’Histoire Naturelle d’Autun. Pas moins de 217 cartons dont 33 du genre.

 De la petite violette aux cépages de vignes en passant par un nombre extrêmement important de rosiers, arbres, arbustes et j’en passe il a travaillé en collaboration avec d’autres chercheurs en  suivant les plantes depuis la graine, culture, recherche, notation et identification répertoriée au sein de la Société botanique de France. Il avait son herbier à Saint Emiland, chez lui au château, près de l’étang à la sortie du village en allant au Creusot.

Charles OZANON, est né à Chalon sur Saône le 28 avril 1835, mort à Saint Emiland le 6 juillet 1909 où il repose au cimetière à coté de son épouse, Jeanne OZANON née SAMUEL et décédée le 27 mai 1926. De ce deuxième mariage ils eurent un seul enfant, une fille, Thérèse.

Charles OZANON commença ses études à Autun et la découverte de Lépidoptères lui inculqua peut-être le goût des Sciences Naturelles. Il termina ses études au collège des Chartreux de Lyon où il se lia avec des jeunes botanistes et s’adonna avec ardeur à l’étude des plantes, ses premiers travaux datent de 1858 à 1862.

Il avait fait la connaissance du Dr Grenier, l’un des savants auteurs de la Flore de France, alors professeur à Besançon et providence de tous les botanistes de l’est de la France.  C’est grâce à lui qu’il entra en relation avec P.C. Billot professeur de sciences physiques à Hagueneau.

Différentes espèces de plantes portent le nom d’OZANON, Asphodelus Ozanonii, Epilobium Ozanonii, Orabanche Ozanonis par exemple.

Ch. OZANON avait été atteint dès l’enfance d’une affection grave (catarrhe double des oreilles) il en était resté une surdité qui ne fit que s’aggraver avec l’âge et devait peu à peu l’isoler de la famille et de ses camarades.

Monsieur OZANON père avait épousé Mlle Charpy, des environs de Sennecey le Grand, il vivait souvent éloigné de sa femme, habitant le plus souvent sa maison familiale de Chalon sur Saône, ou  ses vastes propriétés de Rougeon près de Buxy.

Ancien élève de l’école polytechnique, Monsieur OZANON père en avait donné sa démission et s’occupait surtout de la gestion de ses biens, qui étaient nombreux et importants. Son père avait acheté et partagé avec la famille Carrelet de Loisy les propriétés, fermes et bois qui couvraient presque tout le plateau de Saint Emiland et qui provenaient de la vieille branche de la Madeleine et de Ragny, soit un total de 640 hectares sur la commune.

Il avait donc, en même temps que ses vignobles de la Côte chalonnaise et de la Côte d’Or de quoi s’occuper et il en légua le goût à son fils Charles OZANON.

Charles OZANON une fois ses classes terminées à Lyon il partit pour Paris où il passa quelques années, il fit la connaissance de la famille CADIAT dont les deux fils occupaient, l’un comme médecin et l’autre comme ingénieur, de hautes situations sociales, il fit la connaissance de leur fille et peu après il épousa Mlle CADIAT.

Ils eurent deux fils, Henri et Paul dont l’instruction devait lui donner quelques soucis et après la mort de sa jeune femme et de son père il fini par revenir, vers 1869 à Dijon où il se créa des nouvelles relations dans la nouvelle famille qu’il avait fondé parmi les industriels les plus répandus de la vieille cité bourguignonne, la famille SAMUEL dont il épousa Jeanne.

Il n’eut pas à regretter son second mariage, la fille unique qui en sortit, Thérèse, mariée à l’un des jeunes médecins les plus estimés à Autun, le Dr Joseph BARON, ancien interne en médecine des hôpitaux de Lyon dont il ne devait guère s’éloigner et devint la joie de ses vieux jours.

L’amour de ses propriétés le reprit tout entier et il passa son temps sur les routes de Chalon où il vendit, après la mort de son père sa maison de la rue de Beaune, de Lyon et de Dijon, il s’occupa de mettre en valeur ses vastes domaines et en particulier à Saint Emiland.

2-Chateau OZANON

Sa première et principale occupation fut la reconstruction et la réfection de sa maison d’habitation à Saint Emiland, entre le 11 août 1878 et le 4 février 1882 et de son jardin qu’il créa, entretint et agrandit en 1885 en y consacrant la plus grande partie et le meilleur de son temps, tout en se remettant en rapport avec les anciens botanistes, en se ménageant des nombreuse nouvelles connaissances scientifiques.

Il récoltait soit autour de lui, sur la plateau de Saint Emiland, soit au cours de ses voyages en Auvergne, Bourgogne, Corse, Provence etc. des plantes de toute espèce, ce fut ensuite autour des arbres le plus élevés, les Poiriers et les Chênes, dont il reconnu des nombreuses variétés, caractérisées par la forme et la taille des pétioles, des feuilles, des fruits.

Il avait planté dans les massifs de son jardin, des très nombreux pieds de Rosa alpina provenant de ses récoltes personnelles dans les Alpes, la Suisse, les Pyrénées, le Cantal etc. ainsi que les hybrida successivement avec le pollen de R. pimpinellifolia. Il a employé la pollinisation d’une espèce par l’autre et ce procédé si rationnel et si commode il l’a employé pour tous ses hybrides de Rosiers, de Vignes, de Fraisiers, de Saules.

Après la mort du grand botaniste Déséglise en 1884 et de F. Crépin en 1903, Charles OZANON resta le maître autorisé de la rhodologie française en rapport avec les nouveaux botanistes de l’étranger, professeur de l’Université de Berlin, Gabrielson, Treffer (Tyrol), Dr. Keck de Vienne, Hackel Autriche, Burnat et Gremli (Suisse) et surtout de France, Duffort du Gers, Chastaingt (Indre et Loire) Tourlet (Chinon) etc.

4-Ozanon

Une très grande collaboration dans la recherche s’intensifia avec le Dr Carion d’Autun et surtout avec son ami le docteur François Xavier GILLOT d’Autun également et qui possédait lui aussi son jardin pour cultiver simultanément les mêmes hybrides sur des lieux différents comme Saint Emiland et Autun.

 Désireux de terminer au plus tôt les études de son fils ainé, Charles OZANON confia à un prêtre instruit, qu’il connaissait de longue date, l’abbé L. SIBILLE, curé de Saint Sernin du Bois. Ce curé avait puisé des fortes notions de botanique au petit Séminaire d’Autun.

Ses travaux sur le phylloxéra à l’école de Montpellier qu’il visita en 1886 lui firent comprendre qu’il pouvait obtenir à bien meilleur compte à Saint Emiland (50 frs), les sarments qu’il achetait à 400 voire 450 frs. Il se mit à planter et expérimenta les principaux cépages américains, Canada, Othello, Noah, Cordifolia, Berlandieri, Riparia, Rupestris etc. Il les greffa avec des sarments indigènes de Vitis vinifera tirés de Rougeon, de Meursault, etc. Gamay, Pinot, Tainturier, et autres. et obtint des croisements fixes, des hybrides fertiles dont il replanta. Il arriva à en faire lever 1200 pots sous châssis.

Pendant 12 ans il se livra au travail de la greffe lui consacrant deux hectares de son terrain près de sa maison de Saint Emiland et aux Vacheries pour plus de 700 pieds de vigne obtenant ainsi plus de 45 combinaisons différentes, les greffes étaient obtenues par la meilleur méthode connue, celle de M. LAMALLE de Perreuil, vulgarisé par Pulliat le 28 octobre 1892 (La vigne américaine, périodique mensuel)  

6-Ozanon

Ainsi d’année en année il passa de 24000 greffes en 1888-1890 à 47000 greffes en 1892 puis à 100 000 greffes en 1893. Au bout de 10 ans de ce travail la besogne était presque terminée. Le grand vignoble de Rougeon était rétabli et ce fut au tour des cantons de la Côte, Meursault, Pommard et Beaune.

Il mit la dernière main en 1896 et l’année suivante il arracha toutes ses vignes américaines de sa plantation des Vacheries. Il n’avait plus rien à apprendre et était considéré par tous les spécialistes comme un des meilleurs viticulteurs de France, c’est même à ce titre qu’il avait obtenu une médaille au concours viticole de Beaune en 1897.

Pendant ce long laps de temps (1880-1896) la position de Charles OZANON s’était singulièrement modifiée. Sa mère s’est éteinte le 15 novembre 1893 dans son appartement de la rue Monge à Paris. Son fils ainé Henri nommé au concours interne des hôpitaux de Paris dont il passa sa thèse de doctorat le 13 juillet 1894 se maria avec Mlle Guenot de Beaune.

Paul, son frère, très intelligent et laborieux, avait longtemps cherché sa voie, licencié en Droit à Paris, il avait apprit la chimie à Zurich puis à Lyon. Son mariage avec Mlle Bouchard en 1898 l’orienta définitivement à Bordeaux dans la maison de commerce de vin de son beau-père en 1900. Madame CADIAT leur mère était décédée le 17 septembre 1869.

Mlle Thérèse OZANON, fille de Jeanne OZANON née SAMUEL (seconde épouse de Charles OZANON enterrée à Saint Emiland) après avoir achevé ses études à Autun elle avait épousé le 28 août 1895 l’un des médecins les plus connus et distingué d’Autun, le Dr Joseph BARON, ils eurent 3 enfants et faisaient des fréquents séjours à Saint Emiland chez MMme Charles OZANON

Pour Charles OZANON, dès que sa maison de Saint Emiland eût été transformée en un véritable château, celui-ci devint le rendez-vous de tous les botanistes de la région, attirés par l’affabilité du maître et ses aimables invitations.

    3-Chateau d'Ozanon

Son plus proche voisin dont il partagea quelques années le conseil municipal de Saint Emiland, M. Bernard Carrelet de Loisy venait souvent visiter le jardin et le parc de Charles OZANON, il lui apportait un concours précieux dans toutes les questions politiques, sociales ou agricoles mais s’arrêtait toujours à l’étude systématique des espèces.  

L’étang de seize hectares, attenant à sa maison, lui assurait tous les deux ans une pêche rémunératrice qui était une véritable fête pour le pays et à laquelle il aimait à inviter les familles de ses amis. Les pièces d’eau du voisinage, en entretenant son empoissonnement lui permettait d’acclimater des plantes aquatiques, Nuphar luteum, Iris Bastardi, du jardin botanique d’Angers.

Le jardin proprement dit était surtout planté de fleurs rares, bien acclimatées, c’était un véritable jardin d’essai et d’agrément, riche en arbres fruitiers de toutes espèces au nombre de près de 4000 (février 1882) cultivés en haute tige, en espaliers ou en cordons, entièrement soignés par lui et dont il notait avec soin la résistance aux gelées, surtout l’hiver 1879-1880 dont la température est descendue à -15° et -20° à Saint Emiland.

La fantaisie lui vint d’élever des abeilles, il planta autour des ruches des plantes mellifères, Origanum vulgare, Hyssopus officinalis etc. laissant butiner les abeilles sur ces fleurs et celles de son jardin, il multiplia ses ruches sans en tuer les essaims, grâce aux leçons du frère Emile de la doctrine Chrétienne d’Autun, expert en la matière.

Membre de la Société botanique de France, de la Société mycologique de France, de la Société dendrologique de France, de la Société des Agriculteurs de France, enfin, de la Société d’Histoire Naturelle d’Autun dont il a légué une collection de 217 cartons dont 33 du genre avec son ami le Dr Gillot et Bernard Renault son fondateur et président.

Toute une pléiade de jeunes Creusotins, entraînés par l’exemple des Autunois et affiliés à la Société d’histoire naturelle d’Autun dont ils avaient constitué un comité local, exploraient à fond les environs du Creusot et la plaine d’Antully et de Saint Emiland, où Charles OZANON leur servait de guide expérimenté et les admettait même à sa table dont les bonnes grâces de Madame OZANON et de sa fille augmentaient le plus souvent les charmes et la cordialité de la réception.

Il n’est pas étonnant qu’à la suite de ses nombreuses relations et de ses voyages, Charles OZANON se soit constitué un bel herbier. Commencé en 1854 et enrichi par les dons de ses amis, Grenier, Godron, Jordan et autres, il représentait presque la totalité des plantes énoncées dans la Flore de France de Grenier et Gordon, soit environ dix mille espèces. On trouvera une description sommaire dans le livre de MM. Lassimonne et Laubry sur les Collections botaniques du Massif central de la France 1905 page177.

Charles OZANON dit dans une de ses lettres, que son herbier lui a demandé beaucoup de temps et beaucoup de soins et il exprime le désir de le voir conservé intact par ses héritiers et déposé dans un lieu où il serait accessible à tous et utilisable pour les botanistes qui auraient à le consulter et surtout à s’occuper des Roses !

Le jour des obsèques de Charles OZANON, 9 juillet 1909 une foule nombreuse était présente pour dire adieu à cet homme, bon et généreux, comme disait son ami le docteur F.X. GILLOT d’Autun. Il quittait ce monde et son jardin botanique dont il avait tant soigné durant toute sa vie et M. Bernard Carrelet de Loisy prononça une allocution remarquable à son ami partit vers un autre jardin et pour l’éternité.

 

Aujourd’hui 102 ans après que Charles OZANON exprima ses dernières volontés sa fille Thérèse, épouse BARON et héritière de ce château procéda à sa vente à Monsieur Pierre de SANDOL, banquier Suisse, ce dernier vendit à son tour en 1975 à la famille COLLIN, docteur en médecine à Epinac les Mines. Aujourd’hui Frédéric COLLIN son fils, médecin généraliste au Creusot.

Le Dr Joseph BARON est décédé le 9 décembre 1927 et son épouse Thérèse OZANON le 25 janvier 1946.

 

Le Dr GILLOT, grand ami de Charles OZANON, est à l’origine de sa biographie.

Le Docteur François-Xavier Gillot surnommé "le Docteur Gillot", est né le 12 septembre 1842 à Autun, et mort le 8 octobre 1910 à Autun d'une congestion, il était médecin, botaniste et philanthrope.

F-X. Gillot a passé son enfance à Roussillon-en-Morvan, il était étudiant au petit séminaire d'Autun, il a fait ses études de médecine à Paris et sorti 6ème du concours d'internat en 1865. Revenu à Autun en 1869, il épouse en 1870 Marie Vieillard BARON.

Médecin du Cardinal Perraud, médecin légiste, et médecin de la compagnie PLM (Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée), il a fondé la Société d'histoire naturelle d'Autun dont il a présidé pendant 25 ans. Il avait collecté un herbier conséquent, et certaines plantes portent son nom. Il appartenait à 19 sociétés savantes et il est médaillé d'or de l'Académie de Dijon.

Recherches, Antoine RUIZ Saint Emiland 04 septembre 2011

 

 

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